L’entreprise partenariale
Abolir l'actionnariat et la course au profit
L’entreprise actionnariale, dirigée par les détenteurs de capitaux, sera remplacée par l’entreprise partenariale, avec une gouvernance collégiale incluant des représentants de toutes les parties prenantes
Instituée par l’article 1832 du Code civil, la société commerciale a pour seule finalité, dans sa définition juridique actuelle, le profit des actionnaires. Dès lors, les entreprises ne se contentent pas de produire des biens et services de manière rentables : elles recherchent le profit maximum, quitte à sous-payer ses salariés, fournisseurs et sous-traitants, à polluer massivement, à mettre en danger la santé des travailleurs, des consommateurs ou des riverains, à compromettre la qualité des produits (parfois jusqu’à l’obsolescence programmée), à frauder le fisc, à délocaliser dans des pays pratiquant du dumping social, fiscal, écologique ou sanitaire.
Pourtant, l’entreprise n’est pas une chose pouvant appartenir aux actionnaires, c’est un collectif de travail ! On présente souvent les actionnaires comme les “propriétaires” de l’entreprise, et ils se comportent en effet comme tels, mais juridiquement, la société commerciale est une personne morale et non un bien : dotée d’une liberté contractuelle, d’un patrimoine propre, d’une responsabilité civile, etc., elle est donc un sujet de droit et non un objet de droit. Nul ne devrait donc pouvoir en faire sa chose.
Des entreprises privées respectueuses de l’intérêt général !
La solution ne consiste pas à nationaliser les entreprises, c’est à dire à en faire la propriété de l’Etat, ni même à développer l’actionnariat salarié, mais à abolir la propriété des entreprises, en reformulant l’article 1832 du Code civil, pour en faire des associations à but lucratif, qui n’appartiennent à personne mais sont gouvernées collégialement par ceux qui contribuent au processus productif ou sont impacté par lui.
Ainsi, nous aurions toujours des entreprises privées, en concurrence les unes avec les autres sur le marché des biens et services, sur le marché de l’emploi ou sur celui des capitaux (outre l’autofinancement, l’entreprise partenariale pourra se financer par des emprunts bancaires ou obligataires). Cela les contraint à être rentables (c’est à dire à produire des marchandises dont le prix de vente est supérieur ou égal aux coûts de production, afin de ne pas détruire de la valeur). Pour autant, les apporteurs de capitaux n’auront plus de pouvoir politique dans l’entreprise, qu’ils financent sans la contrôler, uniquement par des prêts à intérêt. Dès lors, l’entreprise recherche toujours la rentabilité, mais plus le profit maximal !
La direction de l’entreprise sera désormais nommée par une gouvernance collégiale incluant toutes les parties prenantes dans la prise de décision : salariés, clients (association de consommateur, ou syndicat professionnel en cas de vente à des entreprises) fournisseurs et sous-traitants, pouvoirs publics (locaux ou nationaux selon l’échelle géographique de l’entreprise), associations de défense de l’environnement, associations de riverains, Chambre de Commerce et de l’Industrie, etc. Les modalités de désignation de leurs représentants au sein du Conseil d’Administration de l’entreprise seront fixées par décrets, selon la taille et le secteur d’activité de chaque firme.
Une telle réforme permettra de retrouver la maîtrise de la production dans les grandes entreprises et de mettre fin aux scandales sociaux, écologiques, sanitaires et fiscaux : plus de salaires de misère et de dividendes mirobolants, plus de cadences infernales et de burn out en série, plus de produits mauvais pour la santé et de pollution illégale, plus d’évasion fiscale ni de délocalisations…